Estimation de la prévalence des filles et femmes ayant subi
ou à risque de subir une mutilation génitale féminine vivant
en Belgique, 2022.
Mise à jour au 31 décembre 2020
Justification de l’étude
Selon l’UNICEF, au moins 200 millions de filles et de femmes vivant actuellement dans 30 pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie ont subi une forme de mutilation génitale : clitoridectomie, excision ou infibulation (UNICEF 2016). Les mutilations génitales féminines (MGF) sont une violation des droits humains et une forme de violence basée sur le genre pouvant engendrer de nombreuses complications physiques et psychologiques tout au long de la vie. Pour les familles établies en Europe, la pratique continue, dans des proportions moindres, lors de vacances dans le pays d’origine ou sur le territoire du pays d’accueil. La Belgique a voté en 2001 une loi spécifique punissant l’excision (Art.409 du code pénal). Le problème a plusieurs composantes, car il s’agit non seulement de protéger les filles qui sont à risque de subir cette pratique mais aussi de prendre en charge les complications gynéco-obstétricales et psycho sexuelles que peuvent présenter les femmes excisées. La dernière estimation de prévalence avait montré qu’au 31 décembre 2016, notre pays accueillait 17 575 femmes « très probablement déjà excisées » et 8 342 filles « à risque d’excision », soit une population cible totale de 25 917 soit un triplement de la prévalence en 10 ans (Dubourg et Richard 2018) Depuis 2016, la Belgique a continué à accueillir des filles et femmes venant de pays à haute prévalence comme la Somalie, la Guinée, l’Erythrée. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre à jour les données tous les 3 – 4 ans afin de mieux cibler les actions des services impliqués dans la protection des petites filles et la prise en charge des femmes excisées. Cette étude correspond à la mesure 23 du Plan d’Action National de lutte contre les violences basées sur le genre 2021-2025.
Objectifs de l’étude
Cette étude quantitative vise à actualiser les données de 2016 sur la prévalence des mutilations génitales féminines en Belgique. Les objectifs de cette étude sont de mettre à jour les données sur :
- Le nombre de filles et femmes excisées qui vivent en Belgique
- Le nombre de filles et femmes à risque d’excision qui vivent en Belgique
- La population cible des différents services médico-sociaux concernés par les mutilations génitales féminines.
A retenir
- Au 31 décembre 2020, 93 685 filles et femmes originaires d’un pays où se pratiquent les mutilations génitales féminines résidaient en Belgique. Parmi elles, 35 459 sont concernées par les mutilations génitales féminines (soit déjà excisées, soit à risque) dont 12 730 mineures (moins de 18 ans).
- Dans l’hypothèse moyenne, 23 395 filles et femmes excisées vivent en Belgique et 12 064 sont à risque d’excision si aucun travail de prévention n’est effectué.
- L’augmentation de la population concernée par les MGF s’explique par l’accueil entre 2016 et 2020 de primo-arrivantes issues des pays concernés par les MGF (1ère génération) et par les naissances au sein des communautés concernées (2ième génération).
- Bruxelles-Capitale, la province d’Anvers et la province de Liège restent les zones géographiques qui accueillent le plus de filles et femmes concernées comme dans les deux précédentes études.
- Plus de 16 500 filles et femmes excisées ou à risque vivent en Région Flamande contre 10 000 en Région Bruxelles-Capitale et 8 800 en Région Wallonne.
- La Guinée, la Somalie, l’Egypte, l’Ethiopie et la Côte d’Ivoire sont les cinq pays les plus représentés au sein de la population féminine concernée en Belgique.
- Cette étude reste une estimation indirecte de la prévalence (pas d’examen médical) mais constitue une bonne base pour évaluer les besoins en termes de prévention et de prise en charge de cette population cible.
Recommandations
Ce travail montre que les besoins de prévention (filles à risque d’être excisées) et de prise en charge médico-sociale (filles et femmes déjà excisées) sont importants en Belgique.
En matière de prévention :
– Le travail de sensibilisation des communautés concernées via le soutien aux associations de terrain ayant en leur sein des survivantes des MGF qui peuvent donner des messages de prévention avec les codes culturels est une urgence, en particulier en Flandre. Le GAMS Belgique ne dispose actuellement d’aucune animatrice communautaire en Flandre pour effectuer ce travail de sensibilisation par les pairs.
– Une trajectoire MGF visant à identifier, sensibiliser et accompagner les familles concernées – à l’instar de ce qui existe pour les filles et femmes demandeuses de protection internationale – devrait également être mise en place pour les familles venues par regroupement familial via l’office des étrangers et les bureaux d’accueil pour primo-arrivants.
– La formation continue des professionnels (ONE, Opgroeien, PSE, CLB, SAJ, médecins généralistes, hôpitaux, réseau d’accueil des demandeurs d’asile) doit être planifiée et organisée de manière efficiente et durable afin de couvrir les provinces les plus concernées.
– La thématique des MGF doit être intégrée au curriculum de base des professionnels.le.s (santé, social, juridique) vu le nombre de personnes concernées en Belgique car il est plus difficile de toucher les gens ensuite par la formation continue. L’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES) en communauté française a fait des recommandations dans ce sens en novembre 2020, à ce jour, elles ne sont pas appliquées.
– Le dépistage des MGF peut s’intégrer au dépistage de l’inceste et des violences sexuelles chez les enfants. La Belgique doit se doter d’une politique uniformisée dans toutes les écoles pour identifier précocement et accompagner les enfants victimes de violences sexuelles. Un séminaire réunissant des experts nationaux et européens (éthique, pédiatrie, médecine légiste, droits de l’enfant, services de prévention de la petite enfance, médecine scolaire,…) devrait être organisé afin de valider une approche commune d’identification et d’accompagnement au niveau national (des parents peuvent profiter de la différence d’approche et du manque de transfert d’information entre les services pour déménager dans une autre région pour échapper au suivi) et organiser la formation des professionnel.le.s en conséquence.
En matière de prise en charge et d’accompagnement des femmes excisées :
– Une campagne d’information nationale doit être menée pour faire connaitre l’existence des deux centres accrédités (CeMAViE au CHU St Pierre et la VrouwenKliniek à l’UZ de Gand) qui offrent une prise en charge globale des femmes excisées (psychologie, sexologie, chirurgie) remboursée par l’INAMI mais qui ne sont pas encore connus de toutes les femmes concernées.
– Le nombre de femmes ayant subi une MGF est en augmentation constante, en particulier en Flandre et par conséquent le nombre d’accouchements. Il est nécessaire que des lignes directrices pour les accouchements de femmes excisées et les indications de désinfibulation, validées par les associations professionnelles de gynécologues et sages-femmes soient appliquées dans chaque maternité accueillant des femmes issues des pays concernés par les MGF.
En matière de recherche :
– Une mise à jour de ces estimations est nécessaire dans quatre ans afin de tenir compte de la migration et des nouvelles données de prévalence dans les pays d’origine.
– La méthode directe par observation doit être investiguée en Belgique comme cela a été fait en France. Cela peut être réalisé soit par des échantillonnages dans la population fréquentant les services de santé, soit par un recensement exhaustif anonymisé du statut d’excision des femmes demandeuses d’asile (qui ont toute un examen gynécologique dans les mois qui suivent leur arrivée). Cela permettrait de comparer la prévalence de MGF des primo arrivantes avec celle appliquée dans les estimations indirectes via les EDS et MICS. L’enregistrement systématique dans les hôpitaux via le Résumé hospitalier minimum (RHM), s’il est exhaustif pourrait aussi être une source d’information sur le nombre de personnes excisées alors que nées en Belgique.
– Mettre en place au CGRA un système de base de données qui facilite l’extraction des données sur les MGF (nationalité, âge à l’arrivée, statut d’excision) pour consolider les estimations de prévalence des MGF faites tous les 4 ans.
Télécharger l’étude de prévalence 2022 ici : MGF_Etude-de-prevalence-Resume-2022