Compte-rendu de lecture: Métamorphose de la parenté

Lecture faite par

Jeanne-Marie Delvaux

Genre

Méta analyse anthropologique

Public visé Tous publics plus particulièrement étudiantEs et professionnelLEs des secteurs médico-psycho-sociaux , psychologues, ethnologues
Notions clefs

Parenté, filiation, descendance, alliance, résidence, inceste

imgresRéférence

Godelier Maurice, Métamorphose de la parenté, Champs essais, Flamarion, Paris 2010

Situer l’auteur

Agrégé de philosophie, licencié en psychologie et licencié en lettres modernes, normalien, formé en économie, il développe une approche anthropologique des fondements des sociétés. Une des figures majeures de l’anthropologie, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales Paris.

Déterminer le sujet

Le livre aborde les différentes formes de parentalité et leurs évolutions  à partir d’études anthropologiques réalisées depuis le XIX jusqu’à nos jours.

Résumé

Sur base des recherches au sujet de la parenté depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours au niveau de l’ensemble des sociétés connues, le livre aborde les rapports de parenté et les formes de famille que l’on rencontre dans les multiples sociétés sur terre. Il traverse les modes de filiation, de descendance, d’alliance,  de résidence bref de parenté dans ses terminologies, champs et fonctions. 

Pour cela, il distingue « rapports de parenté » et « famille ». Il n’y a pas de famille sans rapports de parenté ni de rapports de parenté qui puissent se reproduire sans produire des formes de famille. Ensuite il déploie les notions de « descendance » et « filiation » ainsi que le rapport qu’il y a entre la « descendance » et « l’alliance ». Les modes de descendance et les types de parenté sont très variés dans le monde, par exemple celui qui prévaut dans la culture belge ne représente que 39 % des variantes existantes dans le monde.

Cette méta analyse déplie sous nos yeux un inventaire des besoins auxquels répond la parentalité en 7 fonctions sociales :

  • Concevoir et engendrer des enfants.
  • Elever, nourrir, protéger des enfants.
  • Instruire, former, éduquer des enfants.
  • Avoir droits et devoirs, responsabilité sociale vis-à-vis deux.
  • Doter les enfants d’un nom et d’un statut social, transmettre biens, statuts, titres, etc.
  • Avoir droit à l’autorité sur les enfants dans certaines limites. 

Respecter vis-à-vis des enfants nés dans la famille ou dans le groupe de parenté des interdictions de rapports sexuels (homo- et hétéro), dont la plus connue est l’interdiction de relations incestueuses. Le sexe et la sexualité sont présents au cœur de la parenté, la prohibition de l’inceste, condition universelle de la reproduction des rapports de parenté, et le corps sexué sont largement abordés ainsi que ce qui sépare humains et primates.

Ces fonctions peuvent être distribuées selon les sociétés et les systèmes de parenté de façons très différentes entre différentes personnes. 

Par exemple, alors qu’en Occident il semble évident que c’est l’union sexuelle d’un homme et dune femme qui engendre les enfants, et que l’homme est géniteur et la femme génitrice, dans beaucoup de sociétés, matrilinéaires par exemple, seule la femme est la génitrice de l’enfant. Le père ne contribue pas par son sperme à fabriquer le fœtus mais à le nourrir. Dans d’autres sociétés, patrilinéaires cette fois, le sperme fabrique la plus grande partie du fœtus, son squelette, sa chair, sa peau, etc., et la femme est simplement un « sac », son utérus est un contenant dans lequel se développe l’enfant engendré exclusivement par le sperme de l’homme. Ici l’homme est le seul géniteur.
Mais, remarque fondamentale, quelque soit le système (patrilinéaire, matrilinéaire ou non-linéaire ou autre), dans toutes les sociétés connues, au niveau des représentations du processus de fabrication des enfants, les hommes et les femmes en s’unissant ne suffisent pas à faire des enfants. D’autres agents, plus puissants que les humains, des ancêtres, des dieux, interviennent pour transformer le fœtus en enfant. L’univers des représentations culturelles de la vie, de la mort, de l’individu, du cosmos, des rapports du visible et de l’invisible, bref tout ce qui constitue les valeurs sociales et les rapports sociaux viennent s’ajouter aux rapports de parentés. Bref, le niveau politico-religieux est en 1e ligne.

Par l’abondance des éléments détaillés et sur ces bases, l’auteur propose de regarder l’évolution de la parenté dans nos sociétés occidentales non comme une menace sur celles-ci mais au contraire comme une métamorphose qui nous rapproche des sociétés traditionnelles.

Livre de 740 pages augmentées d’un glossaire, d’index, de cartes et d’une abondante bibliographie

Critique

Il n’y a pas de jugement à poser quant au contenu du livre, les faits sont alignés, détaillés, argumentés. Ils suscitent en nous tantôt adhésion, étonnement, peur, dégoût parfois, compréhension et espoir aussi.

J’adhère à la thèse défendue au sujet de la prééminence  du pouvoir politico-religieux sur les  rapports de parenté et sur les rapports économiques.

Ce livre nous prépare à tenter de comprendre les évolutions et bouleversements de la famille en cours dans nos sociétés occidentales. Par cette méta analyse, il nous fournit des clés de compréhensions face aux personnes issues de différentes cultures auxquelles nous sommes confrontés dans notre société multiculturelle ainsi que face aux problèmes contemporains qui se posent entre autre en Europe occidentale et en Euro-Amérique. C’est par exemple les combats que nous menons aujourd’hui au sujet des violences faites aux femmes et de la place qui leur est laissée, ou encore de l’évolution de la famille et des nouvelles formes de parenté.

Avis personnel

J’aime beaucoup ce livre, je n’ai pas pu en terminer la lecture à fond car il est très conséquent mais j’ai choisi de vous en parler pour vous donner envie d’approcher cet auteur qui du haut de ses 80 ans nous fournit, sur base de ses compétences, une fameuse leçon d’humanité, de modestie, de clairvoyance, de capacité de partage.

Je parle de ce livre à tout le monde autour de moi tant il me marque par les nouveaux horizons qu’il ouvre. Il nous pousse à aborder un problème en le remettant d’abord dans son contexte. C’est un peu comme un fil d’un pull jacquard sur lequel on tire pour le détricoter et en comprendre la formation.

La lecture de ce livre prend du temps mais il me semble qu’il peut être abordé par morceaux, il n’est pas nécessaire d’avoir tout lu pour comprendre le raisonnement et avoir envie d’aller plus loin, de chercher les résumés et extraits de livres ou conférences  de Maurice Godelier.

J’en retiens surtout une impérieuse nécessité pour nous de pratiquer l’ouverture et l’humilité devant ces diverses conceptions du monde et de la manière d’y vivre ensemble sans pour autant renier ce qui fait sens dans notre propre vie. Cette attitude me semble de nature à nous enrichir mutuellement de nos différences. Notre monde change et les mentalités sont toujours très lentes à mobiliser vers le changement. Ce livre peut nous y aider.

L’essentiel est d’entrer dans le raisonnement et l’information qu’il donne que ce soit par la lecture, par des articles ou exposé que l’on trouve sur Internet : 

Qui est-il ?

Cette lecture peut  avoir de multiples usages sur le plan individuel et collectif, dans le cadre de groupes de réflexion et de formations aux sciences humaines au sens large.

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