Centre Fedasil de Florennes – un projet englobant pour améliorer l’accompagnement individuel et collectif des femmes

SL730810Je m’appelle Dognies Florence. Je suis assistante sociale de formation. Je travaille depuis 22 ans pour les centres Fedasil : j’ai commencé à travailler  en 1992 au Petit Château, à Bruxelles. Cela a duré 10 mois. . Et puis, il y a eu une crise de l’accueil, donc énormément d’arrivées. Un centre s’est ouvert à Florennes. J’habitais dans la région, donc… je suis venue ici. Et depuis lors, je suis là.

Eveil de l’intérêt pour la problématique…

La problématique des femmes en général m’a toujours intéressée. Et puis, il y a quelques années, j’ai été interpellée par un reportage diffusé à la RTBF, sur les excisions. C’était la première fois qu’on en parlait.

Bien évidemment, quand on voit ça pour la première fois, ça interpelle beaucoup, en tant que femme, en tant que maman : des idées ont commencé à germer, à bouger et… jusqu’au moment où, ici, j’ai eu l’opportunité de lancer, au départ, un projet pour l’accompagnement des femmes seules, qui s’est, par après, précisé sur les MGF.

Je pense que depuis cette diffusion, le personnel des centres Fedasil a régulièrement été formé par le GAMS. C’est donc un sujet auquel nous sommes sensibilisés depuis une dizaine d’années.

… au désir de créer un projet

Le but du projet est d’offrir un accueil adapté et spécifique, avec un soutien psychologique, médical, social, etc. en fonction de la situation personnelle des femmes.

Cette idée est partie du constat que, souvent, ce sont des situations fort complexes et qu’il faut que ces femmes soient suivies plus adéquatement, notamment pour bien les préparer à l’interview, etc.

On se rend bien compte qu’elles ont besoin d’être entourées, accompagnées dans leurs souffrances.

Mise en place du « projet MGF »

On a participé à plusieurs réunions au GAMS, ainsi qu’au dernier colloque d’INTACT… On s’est dit qu’il y avait des choses à faire : par rapport aux recommandations qu’INTACT fait, par rapport à Fedasil, par rapport aux centres… On s’est dit qu’on avait quand même un rôle à jouer.

On était au courant de la problématique des MGF, mais on la gérait de manière individuelle. On a eu l’occasion d’organiser des ateliers de groupe et… c’est de là qu’a germé l’idée : pourquoi ne pas se sensibiliser à ce public pour leur apporter une aide plus adéquate ?

Son évolution

Au début, j’étais toute seule. Je me suis vite rendue compte que j’étais débordée. Deux collègues m’ont rejointe, Florine GUILLAUME et Charlotte DROMELET.

Le fait que les femmes puissent identifier des personnes comme « référentes » pour une thématique – par exemple « mutilation » – cela les rassure, les aide à s’orienter.

Le fait d’avoir réduit le nombre des personnes qui s’occupent de cette thématique à 2-3 créée un groupe dans lequel elles se sentent plus fortes et plus sécurisées. Cela crée une dynamique.

Certaines apprennent plein de choses, elles se disent « ben tiens, il s’est passé ça à mon accouchement, je ne savais pas que c’était à cause de ça». Il y a une prise de conscience à ce niveau-là qui est importante.

A leurs débuts, les ateliers de groupes étaient centrés sur les mutilations. Mais ces ateliers ne sont pas uniquement destinées aux femmes victimes d’excision. Il arrive que des personnes non concernées assistent aux séances. Elles sont moins nombreuses mais cela arrive. Elles sont intéressés par le sujet, car, bien souvent, elles ne connaissent pas du tout les MGF.

Actuellement, Halimatou[1] aborde la question des violences faites aux femmes. La thématique des violences fait bien souvent partie de leur histoire.

Une vidéo peut également lancer un débat. L’actualité du centre peut aussi influencer les ateliers : cela fait 2-3 semaines qu’il y a beaucoup de personnes qui reçoivent de mauvaises nouvelles : soit des décisions de procédure, soit des décès, … . Elles ont besoin de parler. Le groupe est alors un lieu où déposer ses craintes et ses angoisses.

La collaboration avec Halimatou est très importante. On l’a régulièrement au téléphone, dès qu’on a un doute ou une question… On est bien soutenue par le GAMS, ils sont derrière nous pour nous épauler.

Ses retombées

Lorsqu’on a débuté les premiers ateliers de groupe avec le GAMS, on s’est vite rendu compte que les femmes avaient besoin de parler, et… que c’était générateur de plein de choses, aussi bien dans nos contacts individuels avec elles qu’en groupe.

Au niveau individuel, il y a beaucoup plus de confiance entre nous. Elles sont heureuses que l’on s’intéresse à leur problématique et qu’il y ait des gens extérieurs, autres que nous, qui travaillent là-dessus et qui essaient de faire quelque chose.

Les derniers constats les concernant étaient quand même alarmants. Elles se demandent comment sortir de tout ça. Elles ne voyaient pas d’issue.

Il y a des moments où elles se sentent fortes et des moments où elles se sentent un peu plus faibles. Nous, on est là pour les « booster ». Mais en même temps, on sait très bien que c’est un travail de fourmi.

Au niveau du groupe, On comprend mieux la dynamique des femmes en participant à tous ces ateliers. On se rend compte de leur rôle dans la vie du centre.

Cela nous a beaucoup aidé dans pas mal de situations de crise où on s’est dit « voilà, on sait sur qui on peut compter. Telle femme est une personne ressource. »

Les femmes entre elles se soutiennent l’une l’autre et c’est aussi ce soutien qu’on essaye de renforcer pendant les ateliers. Elles se rendent compte qu’elles ne sont pas toutes seules dans leur souffrance.

Absence ou présence des hommes…

On a un homme dans le groupe, Alpha, qui militait déjà contre les MGF dans son pays. Mais il est assez difficile d’accrocher les autres… Pourtant, les femmes sont en général fières et contentes qu’un homme s’intéresse à l’excision. Certaines peuvent être choquées ou mal à l’aise au début mais lorsque les choses sont mises à plat, ça va mieux.

La mixité n’est pas toujours évidente quand on parle de sexualité, surtout parce que le sujet est très tabou au pays.

Futures pistes ?

Nous avons beaucoup d’idées et de projets. Nous avons, par exemple, créé avec l’aide d’INTACT une liste d’avocat auxquels on peut faire appel lors de dossiers « MGF ». Dans le futur, nous aimerions élargir ce pôle pour une meilleure prise en charge globale (psychologues, gynécologues, …).

On aimerait également organiser un atelier pour les extérieurs avec lesquels ont collabore : bénévoles, écoles, psychologues,… .

Nous planifions de temps en temps des sorties, comme lors de la journée mondiale de lutte contre les MGF.

Nous sommes actuellement en train de mettre en place un projet « garderie », en collaboration avec d’autres services, pour permettre aux femmes de faire garder leurs enfants lors d’activités, cours de français,… .

Trois fois par an, une rencontre avec les femmes a lieu pour leur donner la possibilité d’exprimer leurs souhaits (réalisables ou pas).

Notre centre a été choisi dernièrement par le GAMS pour le « projet affichage » financé par Fedasil. Cela consiste à créer des affiches pour sensibiliser le public dans les centres et les instances d’asile au MGF.

Nous espérons surtout pouvoir continuer à être à l’écoute de ce public qui a sans nul doute besoin d’un suivi et d’un accompagnement appropriés, et pourquoi pas créer une structure pour femmes seules afin qu’elles puissent y trouver calme et sécurité pour elles et leurs enfants… si nous en avons les moyens…

 



[1] Halimatou Barry est la personne chargée de développer les activités du GAMS en Wallonie.