Création d’un protocole d’action à l’hôpital d’Etterbeek-Ixelles – hôpital IRIS SUD

IMG_2215Pascale Neirynck

Sage femme tabacologue, chef de service, responsable projet à la maternité d’Ixelles. Elle occupe un poste  assez central. Elle consacre un gros mi-temps en consultation prénatale, de tabacologie et au sein du dispensaire sage-femme « autour de la naissance ». L’autre mi-temps, elle travaille en étroite collaboration avec son collègue, Pascal Vandenhouweele – chef de service du Mère/Enfant (M/E) –, des aspects de gestion des unités, du personnel soignant. Tout le monde la connaît donc.

L’hôpital d’Ixelles fait partie des HIS (Hôpitaux Iris Sud), hôpital multi sites : Joseph Bracops (Anderlecht), Baron Lambert (Etterbeek ), Etterbeek-Ixelles (seul pôle « mère-enfant), Molière Longchamps (Forest).

La maternité d’Ixelles propose des consultations prénatales en collaboration avec l’ONE qui travaille sur notre site : +- 60% de notre population est recrutée via l’ONE et +- 40% via du privé (médecins, gynécologues ou sages-femmes (SF) qui viennent accoucher chez nous). On a la possibilité de suivre les mamans dès la première consultation prénatale (CPN), à l’accouchement, en post partum, au centre néonatal, à domicile, voire au-delà grâce aux consultations et au service de pédiatrie ainsi qu’à la garde pédiatrique qui peut accueillir les enfants 24/24h. Les consultations prénatales sont réalisées par des SF et des gynécologues tous les jours de la semaine à Ixelles et certains jours à Baron-Lambert et Bracops. 

Les sages-femmes reçoivent les mamans dès la première CPN et continuent le suivi de grossesse tant que l’on reste dans l’eutocie. Cela a été décidé en accord avec les gynécologues qui sont davantage disponibles pour la pathologie. La SF dispose de 2 plages horaire (40 min)  pour la 1ère rencontre, le temps de réaliser une anamnèse correcte, alors que le  médecin n’a que 15 min. Les échographies, réalisées à chaque trimestre, sont uniquement du domaine médical. Dans le cadre d’un suivi médical, la patiente sera vue au moins 1 à 2 fois par la SF pour l’approche d’éducation à la santé, l’information, etc.

Intérêt pour les MGF…

En ce qui concerne les MGF, le projet de formation au sein des maternités par le GAMS [1] ainsi que l’étude de recensement du SPF Santé Publique[2] ont abouti en premier lieu dans le courrier de notre chef de service de gynéco-obstétrique. Puisque le service médical et le service nursing travaillent de commun accord, mon collègue et moi-même avons été mis au courant de cette initiative et avons d’emblée décidé de nous impliquer. Etant responsable de projet et travaillant moi-même en consultation prénatale, j’ai très vite été intéressée. En effet, en 10 ans de CPN, j’ai bien sûr été confrontée plus d’une fois à des MGF sans toujours très bien savoir ce qu’il fallait faire. Je savais qu’il y avait plusieurs autres SF qui étaient également interpellées par cela. Mon collègue et moi-même avons donc demandé à 2 collègues SF, Claire et Bouchra, si elles souhaitaient participer au projet. Nous serions ainsi 3 référentes pour le M/E d’Ixelles ce qui ne serait pas du luxe pour une maternité de +- 2500 accouchements. Nous avons reçu l’accord de notre direction nursing et du médecin chef gynéco qui ne demandait pas mieux que ce soit des SF qui s’occupent de cela. C’est comme cela que nous nous sommes lancées dans la formation au GAMS qui entre parenthèse était très intéressante et enrichissante. Nous avons également assisté, toutes les 3, au colloque de l’asbl INTACT, du 23 novembre 2012. Les MGF ne sont bien sûr qu’un problème parmi beaucoup d’autres, nous avons une population diversifiée qui fréquente notre hôpital (plus de 110 nationalités). Mais ce sujet, un peu tabou, n’avait jamais vraiment été mis en évidence et il était temps de s’y atteler. De plus, on avait un gynécologue qui était fort intéressé : il fait beaucoup de chirurgie, notamment de plus en plus de chirurgie reconstructrice de clitoris. Il trouvait donc que c’était une très bonne idée.

De la sensibilisation des collègues…

Suite à la formation au GAMS, Claire, Bouchra et moi-même avons organisé des séminaires adressés à tous les professionnels qui gravitent autour des  parents : pédiatres, gynécologues, SF et plus particulièrement aux SF de CPN mais aussi des TMS, des secrétaires de consultations, des psychologues, des kiné,… Séminaires d’environ deux heures avec une séance de questions/réponses et la distribution de beaucoup de documentation reçue du GAMS. Beaucoup de professionnels ont été interpellés et nous avions rarement eu autant de monde à un séminaire. Je me suis dit « allez, la sauce prend ».

Il y a beaucoup de gens qui ont ouvert de grands yeux, qui ne s’imaginaient pas à quel point cela pouvait prendre autant d’importance. Pour certain, c’était quelque chose qui n’existait pas chez nous ! Pourquoi ? Parce que ce n’est pas quelque chose qu’on chantait sur tous les toits, ça c’est sûr.

 
…à la création d’un protocoleimage protocole HIS

Il ne s’agissait pas seulement de faire un séminaire, il s’agissait surtout de mettre en place un protocole pratique, vraiment pratico-pratique (cfr protocole, ppt sur le protocole) :

1re CPN, la SF identifie un problème de MGF : qu’est-ce qu’on fait après ?  On peut être coincée, dans le sens où si il s’agit d’un type 3 par exemple, on sait bien qu’on ne peut pas continuer toute seule dans notre coin. Il faut nécessairement faire appel à un gynéco ou à un chirurgien qui est sensibilisé et suffisamment formé pour faire éventuellement une désinfibulation avant l’accouchement. On s’est donc dit qu’il fallait que tout cela apparaisse clairement au sein d’un protocole. J’ai interpellé le responsable gynéco, la responsable ONE, le responsable pédiatrique. Avec Claire et Bouchra, on a réfléchi à ce protocole. On a fait une ébauche. On l’a soumis à différents intervenants qui l’ont approuvé. On y a rajouté des info utiles comme des adresses /tél/personnes de contact dans les associations.

Après l’anamnèse de la première CPN, on explique à la maman qu’à la 2e consultation, on prendra encore plus de temps pour essayer d’aborder la question de manière plus approfondie. Pour la 2e consultation, on essaie de réserver une double plage horaire. On l’oriente alors soit vers une SF référente – Claire, Bouchra ou moi  (type 1 et 2) – soit vers un de nos 2 médecins référents (type3). L’objet de la consultation – MGF – sera clairement indiqué dans le listing de rendez-vous. On sait donc pourquoi on a un double rendez-vous.

Depuis l’existence du protocole, j’ai personnellement rencontré 5 cas de MGF. Dans trois cas on pouvait continuer le suivi, dans deux cas il a fallu orienter les femmes vers le gynéco. Et tout s’est bien passé !

On a l’avantage d’avoir un dossier informatisé, dans lequel est repris une rubrique MGF, que nous sommes obligés d’encoder. Toutes les SF de consultation sont bien briefées là-dessus. Il existe également un lien avec la salle d’accouchement : elles ont accès au même dossier informatisé et l’info encodée en prénatale apparaît automatiquement dans le dossier de salle d’accouchement. De plus, c’est à ce moment-là qu’elles doivent enregistrer la patiente dans l’étude du SPF Santé publique… et la boucle est bouclée !

Le service qui nécessite peut-être encore des informations concernant cette problématique est celui des assistantes sociales de l’ONE qui n’avaient pas toutes eu l’occasion de venir aux formations et qui sont très en contact et à l’écoute des patientes.

Elles souhaiteraient que la formation GAMS soit incluse dans le programme de formation de l’ONE. L’ONE est quand même présente dans toutes les grosses maternités de Belgique, ce serait donc intéressant.

A noter aussi, que lors de nos réunions d’équipe pluridisciplinaires, qui ont lieu tous les vendredis, tous les cas sujets à discussion sont analysés y compris les cas de MGF si nécessaire.

Avant, chacun dans notre coin, on ne travaillait pas si mal que cela, mais l’approche globale manquait. Maintenant, on en parle plus ouvertement. Avant, on mettait peut-être une petite note dans le dossier que personne ne voyait…

Est-ce que d’autres projets ont le même type de protocole ?

Je suis tabacologue. Donc j’ai également mis en place un protocole de suivi  pour la femme enceinte fumeuse. Le but étant de l’informer des possibilités d’aide et de l’orienter si elle le souhaite vers la consultation tabaco. C’est la même chose pour ma collègue SF diabétologue qui a établi un protocole de prévention, détection et suivi diabéto. Donc oui, il existe des protocoles mais qui font moins intervenir, je dirais, toute une équipe pluridisciplinaire. C’est plus des protocoles qui visent une personne référente dans son domaine. Dans le cas des MGF, c’est un protocole un peu plus complexe qui fait intervenir plusieurs personnes. Il est affiché dans les box de consultations mais apparaît également dans le dossier informatisé avec toutes les données utiles. Dans le genre, je dirais que c’est un peu le premier. On a innové.

Comment as-tu choisi des référents ?

Lors des séminaires d’information, avant de quitter la salle, je demandais : « Qui veut être référent ? Qui est intéressé ? » Et donc, très spontanément les gens se sont proposés et par la suite, je suis allée les trouver pour confirmer leur engagement .

On a amélioré notre site intranet et  internet. Je suis souvent en contact avec la cellule communication et la personne responsable de la formation permanente auxquelles je transmets tous nos projets, nos journées de formations, nos séminaires en tant que responsable des projets pour le  « M/E ». C’est ainsi que l’on parvient à toucher un maximum de monde

Formation des médecins référents ?

La gynéco qui est très intéressée m’a dit « Pascale, je suis candidate, ça m’intéresse  – mais dit, moi, je n’ai jamais suivi de formation. » Qu’à cela ne tienne, je vais déjà te donner toutes les brochures du GAMS/INTACT… Cependant elle aimerait bien avoir une formation,  rien que pour les gynéco ou les médecins en tout cas. C’est quelque chose qui serait en effet, je pense, souhaitable. 

Au niveau de la pédiatrie, j’ai le sentiment qu’ils se sentaient au départ nettement moins intéressés. Donc, quand je leur ai dit que je voulais faire un séminaire, certains m’ont dit « oui, oui, oui, mais les  mutilations, qu’est-ce qu’on a à voir là-dedans ?! » Je leur ai dit : si, si, vous avez à voir là-dedans. Comme ils me font confiance, ils m’ont dit : « Ok, tu le fais » J’ai eu énormément de monde. Parce que je crois qu’ils ne savaient pas trop en fait, ce que tout cela comprenait Et déjà avant que la séance commence, j’avais plein de questions. J’ai dit : « attendez, je vais d’abord expliquer ». Et à la fin de la séance, je peux te dire qu’ils étaient drôlement interpellés et qu’ils ne s’imaginaient pas à quel point ils avaient un rôle à jouer. Et donc, là aussi, j’ai eu deux à trois médecins qui sont revenus après en me disant : mais tu sais, l’histoire du certificat notamment, ça c’est toujours des choses très délicates. Ca, ça les interpelle très fort. Les gynécos aussi d’ailleurs : « oui, m’enfin, est-ce que ce n’est pas un peu de la délation ? » Ils ne savent pas trop comment se situer par rapport à ce certificat. Ils ne savent pas s’ils font bien ou mal. Et, et, ils ne voient pas toujours pourquoi c’est eux qui doivent le faire, pourquoi ce n’est pas quelqu’un d’autre.

J’ai eu aussi un contact avec le comité d’éthique de l’hôpital. Et ça, c’était intéressant parce qu’ils m’ont fait parvenir plein d’articles sur lesquels ils étaient occupés à débattre, justement par rapport aux certificats, etc. Ils se demandaient aussi jusqu’où on pouvait aller, au niveau de « l’hôpital », et à quel moment, on devait passer la main : GAMS, INTACT, etc. Donc là, ce n’était pas toujours très clair. Lors des séminaires, j’ai fait part de toutes les remarques du comité d’éthique.

 

IMG_2217Qu’en est-il du suivi de la famille après qu’elle ait quitté l’hôpital ?

La sage-femme, à l’hôpital d’Ixelles, a l’occasion de travailler aussi bien en prénatale, qu’en salle d’accouchement, au centre néonatal, en postnatale. Elle peut boucler la boucle. Dans chaque unité, il y a une partie des SF qui reste fixe et une autre partie qui « tourne » c’est-à-dire qui va travailler dans les différents services durant +- 6 mois. Donc une maman peut très bien voir une sage-femme en prénatale, la retrouver le jour de son accouchement et peut-être même à domicile. Actuellement, après l’accouchement, la durée de séjour est d’environ de 4 jours. C’est parfois très court, surtout pour un premier bébé. C’est pourquoi, la maman peut recevoir de l’aide à domicile et/ou se rendre à notre consultation postpartum 10ème jour (postnatale précoce) appelée aussi PP10.

Pourquoi aux alentours du 10e jour ? Parce que cela laisse aux parents quelques jours à la maison pour se rendre compte de ce qui va ou ne va pas et souvent le papa est encore en congé (10 jours légaux). C’est donc l’occasion pour elles de revenir poser leurs valises et de faire un petit bilan de situation pour elle et le bébé. On vérifie le poids du bébé, son aspect général, son alimentation, l’état de la maman, éventuellement une mise au sein,… On voit comment fonctionne la diade ou la triade, quand papa accompagne. Cela prend +-1h ! C’est parfois à ce moment là aussi qu’on peut s’assurer du bon suivi d’une maman ayant subi une MGF.

C’est arrivé une fois d’ailleurs : une maman avait été désinfibulée à l’accouchement et avait posé la question sur la réinfibulation. C’était un suivi prénatal très tardif, donc avec peu d’occasion d’aborder le sujet, on n’a vraiment pas hésité à lui fixer le rendez-vous PP10. On avait bien essayé de lui expliquer à la maternité mais on se doutait bien qu’à la maison, elle se poserait encore beaucoup de questions. Et donc là, elle est revenue au 10e jour avec sa maman et son mari. On a pu en rediscuter et l’orienter vers les associations. On a eu vraiment le sentiment de faire un travail de fond et préventif !

Suite à leur accouchement, très souvent les parents continuent à faire suivre leur enfant en pédiatrie. Comme je suis aussi responsable de la pédiatrie, je revois souvent des mamans qui étaient suivies pour leur grossesse chez nous. Cela facilite une certaine continuité des soins. Nous ne sommes pas un très gros hôpital, tout le monde se connaît et grâce au dossier informatisé depuis la prénatale jusqu’en pédiatrie, les informations passent relativement bien.

Si une maman a une MGF, on le voit directement : le pédiatre est interpellé et peut faire de la prévention pour le nourrisson voire la fratrie.

La maman sera, quant à elle, suivie jusqu’à environ 3 mois après l’accouchement (vers le 10ème jour, la 6e semaines puis le 3e mois). Après ….

L’ONE fait-elle un suivi de ces familles ?

L’ONE travaille avec beaucoup d’organismes extérieurs mais aussi avec la consultation nourrisson à Baron Lambert ou de quartier à Ixelles. Chaque maman est vue en postpartum et la TMS lui renseigne la consultation nourrisson la plus proche de chez elle. Ils transmettent les informations utiles pour un suivi correct des enfants, surtout dans les cas à risque. Ils utilisent le carnet du nourrisson, prennent contact par téléphone voire par une visite à domicile. Ce type de suivi n’est pas propre aux MGF mais s’applique à toutes les situations à risque (cas psycho-sociaux).

Nous bénéficions également d’un très bon réseau de SF à domicile (issues de notre hôpital ou autres associations) qui peuvent également prendre ce type de relais. L’outil de transmission utilisé sera une feuille de liaison (sous enveloppe fermée) précédé en général par un appel téléphonique. Le réseau fonctionne bien !

Contact

Pascale NEIRYNCK
Sage femme tabacologue
Coordinatrice de projet Mère – Enfant HIS
Tél : 02 641 47 66
Gsm : 0498 944 802
E-mail pneirynck@his-izz.be 

Site : www.his-izz.be

Site de la maternité : www.his-izz.be/fr/patients/hopitaux-iris-sud/vous-etes-enceinte-ou-vous-avez-un-projet-de-naissance-%E2%80%A6_82

 


[1] Projet de formation des hôpitaux à la problématique des MGF commandité par le SPF Santé publique. Pour les hôpitaux francophones, ce projet est mis en oeuvre par le GAMS Belgique et par l’ICRH pour les hôpitaux néerlandophones.  

[2] Du 1 janvier 2013 jusqu’au 30 juin 2013, le SPF Santé publique a lancé un projet pilote de recensement  de tous les cas de MGF à la salle d’accouchement, dans des maternités d’hôpitaux volontaires (une dizaine dans le pays ont accepté de participer à l’étude). L’étude a été menée par l’ICRH pour les hôpitaux néerlandophones et le CHU Saint-Pierre pour les hôpitaux francophones. Il fallait indiquer le nom de la patiente, le type de MGF et les démarches entamées. But : faire un recensement du nombre de cas traité par les maternités volontaires.