Les MGF à l’école! – Mise en place d’un projet « complet » sur les MGF

Ingrid 2014

Ingrid Godeau, médecin PSE à Bruxelles:

Je suis médecin scolaire depuis 17ans au PSE d’Anderlecht – Promotion de la Santé à l’Ecole – anciennement, Inspection Médicale Scolaire.

Sur ce nombre d’années, j’ai évidemment vu évoluer la population scolaire. Une évolution, notamment, au niveau des flux migratoires, mais aussi, malheureusement, au niveau de la paupérisation globale des familles et des conséquences socio-économiques, éducatives et affectives qui en découlent.

J’ai toujours été très sensible à l’aspect socio-familial défavorisé, aux familles en demande d’aide… Quelques domaines qui me touchent sont la maltraitance, les difficultés scolaires, les problèmes liés au logement. Je travaille donc énormément avec des familles par rapport à ces thèmes-là. Nous avons pas mal de collaborations au niveau des différentes associations anderlechtoises. Cela enrichit vraiment notre travail de terrain et c’est très agréable finalement de travailler avec des gens qui sont aussi motivés même si les conditions de travail ne sont pas toujours optimales.

D’un intérêt pour les MGF à la confrontation d’une situation à gérer

En 2000 ou 2002, j’avais été contactée par une jeune fille qui faisait un travail de fin d’étude sur les MGF. Cette problématique m’intéressait fort en tant qu’atteinte à la femme. Et en tant que médecin, je trouvais cela vraiment abominable. Mais par manque de temps, je n’ai pas eu l’occasion de recevoir cette étudiante. Comme elle ne m’a pas recontactée, c’est tombé à l’eau. Par après, je n’y ai plus vraiment pensé car je n’y ai pas été confrontée dans ma pratique. C’est donc resté sans suite, pendant quelques années. Jusqu’en 2011, où dans une de mes écoles, j’ai eu une situation d’urgence à gérer : c’est-à-dire une situation de départ en vacances dans un pays à risque, pour des petites filles qui fréquentaient l’école.

Nous avons essayé de gérer cela tant bien que mal. Mais au final, je pense que la gestion a été  relativement bonne, qu’elle aurait pu être meilleur si j’avais été, peut-être, mieux formée au départ. A ce moment-là, en 2011, je ne connaissais pratiquement rien de ce qui existait en Belgique, au niveau réseau. J’avais vaguement entendu parler du GAMS mais sans plus. Je ne connaissais même pas INTACT ! C’est vraiment à partir de cette situation que je me suis informée, j’ai bouquiné, j’ai fait des recherches. Et j’ai trouvé que c’était vraiment un terrain dans lequel il fallait avancer mais pas seule. J’ai donc entraîné un petit peu mes collègues : en septembre 2011, j’ai invité Fabienne Richard[1], pour une mini formation de toute l’équipe, c’est-à-dire 3 médecins et 10 infirmières qui travaillent ici au PSE d’Anderlecht.

En ce qui me concerne, je me sens aujourd’hui moins démunie qu’en 2011.

A l’émergence d’un projet

Suite à ce signalement, je trouvais qu’il fallait absolument diffuser cet état des lieux : c’est-à-dire que les MGF existent encore et qu’il y a beaucoup trop de petites filles qui sont concernées, voire excisées, et ce, même en très bas âge. Il faut donc vraiment faire un travail de sensibilisation très tôt, peut-être même avant que la jeune femme ne soit enceinte.

Ma première idée a bien sûr été de voir tous les parents provenant de pays à risque. Humainement parlant, ce n’est pas très acceptable parce qu’on les stigmatise. Mais… je me sentais obligée de passer par ce biais-là pour pouvoir commencer peut-être un début de travail et surtout un début de sensibilisation.

C’est à partir de la rentrée scolaire de 2011 que j’ai commencé à convoquer les parents d’enfants issus de pays où se pratiquent les MGF dès que j’en étais informée via les renseignements administratifs, questionnaire médical, visite médicale de primo-arrivant…

Il faut savoir que les parents ne sont pas obligés d’être présents lors des visites médicales scolaires, toutefois, nous les y invitons. Quand leur présence s’avère utile, en l’occurrence dans ce cas-ci nous précisons que leur présence est indispensable. Lorsqu’ils ne comprennent pas le français, nous trouvons des solutions par l’intermédiaire de membre de la famille, de personne de leur communauté…

Je débute toujours un peu banalement, en parlant du pays d’origine, j’utilise ensuite la carte du GAMS pour commencer la discussion. Et la plupart du temps, sincèrement, les parents sont agréablement surpris qu’un médecin, qu’ils ne connaissent pas en fait, s’intéresse un petit peu à leur « culture ».

En général, c’est assez constructif comme entretien. Parfois, c’est très triste. Mais c’est toujours intéressant et enrichissant humainement parlant !

Développement du projet en plusieurs ramifications

Une école et son équipe éducative

Nous avons pu mettre en place, dans l’école où il y a eu ma première situation en 2011, un projet un petit peu plus étendu pour toucher le plus de parents possible et pas uniquement ceux qui venaient à la visite médicale.

Après avoir parlé du projet au GAMS, Ramata Diallo[2] a été détachée pour épauler ce projet. Nous avons décidé de fonctionner en plusieurs temps. D’abord motiver l’équipe pédagogique. Une première rencontre, avec toute l’équipe éducative (la directrice et les enseignants), a eu lieu pour aborder le sujet des MGF via des témoignages.

Les enseignants ont donc pu voir via les maquettes du GAMS, ce que c’était. Et… sincèrement, quelques uns ont été horrifiés ! En tout cas cette animation fut très enrichissante par les nombreux échanges et questions. Nous avons terminé en proposant le projet de sensibilisation des parents de l’école.

La sensibilisation des parents

  • Via les réunions de parents à l’école

Nous avons proposé de rencontrer les parents lors des réunions organisées par l’école, au moment de la remise des bulletins. Il y en a 3 qui sont organisées sur l’année – en décembre, en mars et en juin.

Nous avons déjà eu une première « séance » durant laquelle nous avons rencontré 7 familles qui regroupent plusieurs enfants dans différentes classes. Nous continuerons lors des 2 prochaines rencontres.

  • Via les « accueils mamans »

A côté de cela, l’école organise des « accueils mamans » afin de faire entrer les parents dans le milieu scolaire et de pouvoir les informer sur différentes thématiques.

Ramata et moi allons animer une séance où nous ne parlerons pas des MGF en tant que telles mais plutôt des habitudes culturelles qui sont bonnes ou mauvaises pour la santé de l’enfant. Notre point de départ sera plus neutre, plus objectif mais toujours lié à la santé de l’enfant.  Cela nous permettra de toucher d’autres mamans que nous n’aurions pas vues durant les visites médicales ou lors des réunions de parents.

  • Via des cours d’alphabétisation

L’animatrice des accueils-mamans donne des cours d’alphabétisation dans ce quartier-là. Nous avons aussi envie d’élargir cette sensibilisation à ces cours d’alphabétisation pour toucher le plus de mères possible.

Impliquer les élèves et les enseignants

  • Via les séances EVRAS

Il y a encore un autre volet auquel je tiens : l’EVRAS. Dans cette école-là, je donne des séances d’EVRAS, depuis quelques années, en collaboration avec le CPMS.

Cela se déroule en 3 séances : le CPMS s’occupe du volet « affectif/relationnel » (1re séance), moi de la partie physiologique, médicale et infectieuse (2e séance). A ce moment-là, j’aborde rapidement la problématique de l’excision, notamment par rapport à la physiologie de la jeune fille à la puberté. La 3e séance est traditionnellement consacrée aux questions-réponses. Cette année-ci,  une 4e séance est prévue où là, nous ne parlerons que des MGF.

Travail au niveau des échevins de la commune

Enfin, j’aimerais, étendre ce type de sensibilisation à toutes nos écoles. La visite médicale est obligatoire au niveau légal et donc nous permet de toucher tous les parents dont les enfants sont en obligation scolaire. Par ce biais-là, nous pouvons essayer de travailler en partenariat avec les différents échevinats – de l’enseignement et de la santé – ici au sein même de la commune d’Anderlecht.

Ayant été invitée, entre autre, pour parler de maltraitance lors de réunion de directions. Je verrais aussi bien aborder plus spécifiquement le thème de l’excision au cours de l’une d’elles. Et continuer à développer nos collaborations.



[1] Fabienne Richard, sage-femme, est coordinatrice du GAMS Belgique. C’est elle qui s’occupe des formations « médicales » sur les MGF.

[2] Ramata Diallo est animatrice communautaire au GAMS Belgique.