Compte-rendu: Entière ou La réparation de l’excision

lecture faite par  Marie De Brouwere, coordinatrice des SC-MGF
Genre Essai (témoignages-informations)
Public visé Tout public
Notions clefs Excision; MGF; reparation; opération

imgresRéférence

Arras Marie-Noël, Entière ou La réparation de l’excision, Chèvre-feuille étoilée, France, 2008.

Situer l’auteure

Marie-Noël Arras est enseignante, lectrice à haute voix et animatrice culturelle reconvertie à l’édition. C’est la directrice des publications des éditions Chèvre-feuille étoilée. Elle s’occupe de la collection L’écharpe d’Iris et est co-rédactrice en chef de la revue Etoiles d’Encre.

L’auteure a découvert la pratique en 2001 avec une interview de Waris Dirie publiée après la parution de son livre « Fleur du Désert. » Le regard terrifié d’une enfant assistant à la cérémonie l’a marquée. Suite à cela, Marie-Noël Arras a publié un texte « Loundja », inspiré de l’histoire de Waris Dirie, dans lequel elle essaie de dire la violence de la pratique (le texte est disponible à la fin du livre). Ce texte a trouvé échos auprès de femmes animant des groupes de paroles sur la problématique.

Par la suite, l’auteure a appris qu’il existait une opération pouvant réparer le clitoris. Lorsqu’elle s’est aperçu que cette opération était très peu connue, elle a décidé d’écrire un livre afin de le faire connaître. 

Déterminer le sujet

Le but de l’ouvrage est d’informer de raconter et d’expliquer au plus grand nombre, dont les professionnelLEs, les possibilités de réparation.

Le livre se compose de deux parties : la première est un recueil de témoignages de femmes excisées et de professionnelles par rapport à l’opération et la pratique des mutilations génitales féminines. La seconde partie reprend des informations sur les mutilations et la réparation. 

Résumé

En plus de la préface du docteur Foldès, l’ouvrage se compose de deux grandes parties : la première est un recueil de témoignage, la seconde des informations sur la pratique des mutilations et la de réparation chirurgicale.

Le recueil des témoignages est subdivisé en 5 chapitres : dans le premier, la parole est donnée à Mahoua Kone. Cette dame, originaire de la Côte d’Ivoire, s’est fait opérer et a fondé une association pour  aider les autres femmes. Dans son témoignage, elle évoque le tabou entourant cette pratique et le sentiment de trahison parentale qu’elle a éprouvé lors de son excision. Sentiment qui ne l’a pas quittée et qui lui a fait prendre de la distance par rapport à ses parents, en particulier sa mère qui aurait dû la protéger et non orchestrer la cérémonie.

Le deuxième chapitre rend compte des propos recueillis par le Dr Michèle Wilisch, anesthésiste qui reçoit les patientes lors d’entretien préopératoires. Le sentiment et les impressions des femmes qui reviennent souvent sont le vide qui s’abat sur elles lorsqu’elles découvrent qu’elles ne sont pas entières et la honte qui peut en découler. Les croyances liées également au fait « d’avoir un clitoris » refont surface. Certaines femmes vont ainsi exprimer leur peur quant au fait de « contrôler » leur sexualité. La figure des hommes apparaît également en filigrane : par rapport au fait qu’ils les aient ou non protégées (figure du père), qu’ils risquent de les quitter si elles ne le satisfont pas (le mari ou le compagnon) ou la crainte que les femmes éprouvent par rapport à la découverte de leur excision par une personne non avertie.

Le troisième chapitre s’appuie sur le blog, « Papillon », d’une femme d’origine sénégalaise qui partage ses émotions et ses impressions par rapport à l’opération. Ainsi, elle souligne le fait que l’opération ne consiste pas en une simple « réparation physique » mais qu’elle a des conséquences sur sa sexualité (passage d’une certaine passivité à un côté plus actif).

Le Dr Frédérique Hédon, sexologue insiste, quant-à elle, sur le fait que l’opération physique ne constitue qu’un premier pas dans la réappropriation de sa féminité. Il faut l’accompagner d’un travail psychologique.

Enfin, le dernier chapitre évoque brièvement la manière dont le Dr Foldès s’est intéressé à l’excision et a décidé de se pencher sur la question.

La deuxième partie du livre reprend quant à elle des informations sur l’excision (où ? pourquoi ? comment ? qui ?), les traumatismes découlant de l’excision, l’opération, les lois en vigueur, etc. 

Critique

Les chapitres de la première partie sont très bien agencés et se répondent les uns aux autres.

Je regrette cependant que la parole n’ait pas été davantage donnée aux femmes ayant subi l’opération et qui rendent compte de ce que cela leur a apporté. Il est fait mention, à quelques reprises, de femmes qui désirent être opérées bien qu’elles n’aient subies qu’une forme légère de mutilations. Qu’en est-il après l’opération ? Ont-elles recouvrés les mêmes sensations ? En ont-elles davantage ? Est-ce que l’opération est une réussite dans tous les cas ?

Le but de l’auteure était de faire connaître l’existence de l’opération et ses bienfaits (physiques et psychiques) : il est atteint.

Avis personnel

Ce recueil de paroles souligne des éléments qui me semblent important : la parole libératrice. Mahoua Kone, et d’autres, en décidant de parler, de témoigner, de se « restaurer » prennent en quelque sorte une revanche sur leur destin, elles reprennent leur destin en main, comme le souligne ces quelques phrases de Mahoua Kone : « J’ai l’impression d’avoir rompu une chaîne afin de transmettre autre chose à mes enfants et même à d’autres femmes. J’ai la sensation d’avoir été très forte et j’ai beaucoup plus confiance en moi. J’ai choisi mon destin. »

Parmi les propos recueillis par le Dr M. Wilisch, certains soulignent l’importance de l’homme et le fait que sa parole/sa prise de position peut influencer l’abandon de la pratique. Ceci fait écho au précédent compte-rendu de lecture « Décider de la pratique des mutilations génitales féminines à Djibouti : une affaire de femmes ? », dans lequel les auteures mettent bien en avant que la position de l’homme est déterminante dans la perpétuation de la pratique.

Il est également intéressant de noter la crainte exprimée par deux femmes au sujet de la reconstruction du clitoris : celle de savoir comment contrôler sa sexualité. Ce besoin de contrôler la sexualité féminine, vue comme « débridée » si elle n’est pas canalisée par les mutilations, est une des raisons principalement mise en avant pour justifier la perpétuation de la pratique. D’un côté, la sexualité des femmes doit être contrôlée mais d’un autre côté, les femmes doivent satisfaire les hommes et les pratiques auxquelles elles recourent pour cela (utilisation de produits ou chirurgie) sont valorisées tant qu’il s’agit de satisfaire l’homme (voir article Elena Jirovsky, « Views of women and men in Bobo-Dioulasso, Burkina Faso, on three forms of female genital modification », Reproductive Health Matters, 2010, vol 18, n°35, pp.84-93). Les hommes joueront sur la crainte de certaines femmes de voir partir leur compagnon/mari et ce que cela implique (protection, soutien, etc.) en les menaçant de prendre une seconde épouse ou « d’aller voir une blanche ».

Ce recueil rend compte de témoignages positifs en faveur de la reconstruction en mentionnant le fait qu’une personne ayant subi une forme légère de mutilation n’éprouvera pas forcément plus de sensation. En 2014, en Belgique, 2 centres de reconstruction clitoridienne se sont ouverts : l’un à Bruxelles (le centre CeMAVIE), l’autre à Gand. La question des bienfaits de l’opération ainsi que de l’encadrement psycho-sociale des femmes souhaitant être opérées est primordial. Je souhaiterais en apprendre davantage là-dessus. 

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